Lorsque vous photographiez un inconnu dans la rue, il n’existe pas de distance idéale. Vous pouvez photographier quelqu’un de très loin, pour que cette personne apparaisse comme un simple élément du décor. Vous pouvez vous rapprocher un peu, et ainsi faire en sorte que votre sujet remplisse votre cadre. Vous pouvez vous rapprocher davantage et réaliser un portrait serré. Vous pouvez même vous placer à quelques centimètres de votre sujet, pour photographier un détail ou l’utiliser comme élément de premier plan.
Il n’existe aucune règle à respecter et chaque photographe a sa propre distance. Bruce Gilden, par exemple, se place très près des personnes qu’il photographie — il déclenche à quelques centimètres de leurs visages. À l’inverse, Raymond Depardon aime laisser une certaine distance entre lui et ses sujets. Dans son livre, Errance, il explique : « J’ai ma façon de photographier, j’ai ma distance. Et cette distance, je l’ai revendiquée. Elle n’est pas celle des autres photographes, elle est la mienne. »
Chaque photographe a donc sa propre distance. Distance qui reflète son caractère : « Quand j’ai pris un peu conscience de moi-même, de mon regard, j’y ai mis une distance, qui est celle que j’ai naturellement avec les gens. », ajoute Raymond Depardon.
Trouver votre propre distance est extrêmement important.
Dans un premier temps, il vous faudra vous rapprocher des gens. Vous aurez besoin de courage, car il est difficile de photographier un inconnu en se plaçant à quelques centimètres de lui, mais vous devez le faire. Vous devez vous rapprocher.
Commencez de loin, puis rapprochez-vous. Allez-y petit à petit. Ne brusquez pas les choses. Rapprochez-vous, encore et encore, jusqu’à être capable de déclencher à quelques centimètres d’un inconnu. Et, lorsque vous y serez parvenu, ne vous arrêtez pas. Continuez à pratiquer, jusqu’à ce que cela devienne relativement facile.
Au cours de votre apprentissage, vous entendrez souvent cette voix qui vous dit : « Inutile de te rapprocher ainsi, de toute façon tu n’aimes pas photographier les gens de trop près. » Mais, est-ce la vérité, ou est-ce la peur qui essaye de vous dissuader de vous rapprocher en vous trouvant des excuses ?
Je me souviens, lors d’un workshop de photo de rue, entendre l’un des participants me dire, en début de stage, qu’il n’aimait pas photographier les inconnus dans la rue. À la fin du week-end, je lui ai fait remarquer qu’il n’arrêtait pas de photographier des gens. Il m’a alors répondu : « En réalité, j’aime les gens ! » S’il ne les photographiait pas jusqu’alors, ce n’était pas par choix artistique, mais simplement parce qu’il n’osait pas le faire — et ces deux jours sur le terrain ont complètement transformé son approche de la photo.
Tant que vous ne serez pas à l’aise avec les gens, tant que vous ne serez pas capable d’être proche d’eux, de déclencher à quelques centimètres de leur visage, vous ne saurez pas si votre distance est naturelle ou induite par la peur. Vous devez donc vous entrainer, jusqu’à ce que la peur disparaisse.
Ensuite, dans un second temps, une fois que vous serez capable de photographier un sujet en vous tenant à quelques centimètres de lui, il sera temps de vous mettre à la recherche de votre distance — et ceci signifiera probablement vous éloigner à nouveau de vos sujets.
Vous serez peut-être critiqué pour cela, car la plupart des photographes vous conseilleront de vous rapprocher. « [Ma distance] je l’ai revendiquée » explique Raymond Depardon, « au prix quelquefois de me voir critiqué ou d’être malheureux que l’on ne me reconnaisse pas comme un photographe intéressant parce que j’étais soi-disant trop loin. »
Il vous faudra alors à nouveau faire preuve de courage. N’écoutez pas les conseils qui s’appliquent à tous les photographes, car vous n’êtes pas tous les photographes. Ayez le courage de faire ce qui vous plait, ce qui vous semble naturel, ce qui vous ressemble.
Vous pouvez être proche, vous pouvez être éloigné, peu importe. Votre distance ne doit pas être dictée par vos peurs, ni par le regard des autres, mais par votre œil et votre cœur.