Bien qu’elle ait participé à sa renommée, l’expression « instant décisif » exaspérait parfois Henri Cartier-Bresson. Il préférait comparer l’acte photographique à la chasse au fusil, puis, à la fin de sa carrière, au tir à l’arc.
« Pour moi », disait Henri Cartier-Bresson, « la grande passion c’est le tir photographique. […] J’adore prendre des photographies. C’est comme être un chasseur. Mais certains chasseurs sont végétariens, ce qui correspond à ma relation avec la photographie. »
Comme l’explique Clément Chéroux dans son livre Henri Cartier-Bresson : Le Tir Photographique, c’est d’ailleurs au retour d’un voyage en Afrique, au cours duquel il avait pratiqué la chasse, qu’il a troqué son fusil contre un appareil photographique.
Anecdote intéressante rapportée par Chéroux : « C’est vers 1920 que le “tir photographique” apparut dans les fêtes foraines. À la différence des stands de tir traditionnels, lorsque le tireur touchait le cœur de la cible, il déclenchait un dispositif qui le prenait en photo. Plutôt qu’un quelconque lot, il gagnait alors son propre portrait, en tireur. À la fin des années 1920, Cartier-Bresson ne manqua pas de faire mouche et se tira ainsi le portrait. Se souvenant sans doute du nom de l’attraction, il emploiera plus tard la notion de “tir photographique” pour caractériser son approche de la photographie. »
« Le tir photographique est un de mes carnets de croquis », disait Cartier-Bresson. Cette expression résume bien son approche de la photographie. D’un côté, il était chasseur, toujours à l’affut, traquant sa proie et prêt à déclencher pour capturer l’instant décisif. De l’autre, c’était un esprit ouvert, joueur, qui ne prend pas sa pratique trop au sérieux — il parle de croquis, pas de grandes œuvres.
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Sur le terrain, Henri Cartier-Bresson est un danseur. « Je me souviens », écrit Truman Capote, « de ce jour où j’ai pu l’observer dans une rue de La Nouvelle-Orléans, dansant tout le long du trottoir comme une libellule inquiète. » Il marche, observe, repère un sujet et déclenche instinctivement.
Ce côté instinctif, c’est justement cela qui lui permet de « tirer » au bon moment, et de réaliser de grandes photos. Discutant d’une photo d’Henri Cartier-Bresson, prise dans une arène à Valence, Clément Chéroux explique que « Cartier-Bresson n’a évidemment pas calculé ou prévisualisé sa composition, son inconscient optique l’a instinctivement reconnue. » La vraie force d’Henri Cartier-Bresson, c’était cela : son instinct ; son intuition.
Votre intuition est plus rapide et plus intelligente que vous. Elle perçoit ou reconnait des choses intéressantes bien avant que vous n’en ayez conscience. Tant que vous ne lui ferez pas davantage conscience, et tant que vous ne ferez pas ce qu’il faut pour l’améliorer — car oui, votre intuition peut être entrainée — vos photos ne s’amélioreront pas.
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