Objectifs de processus : On ne vise pas la performance — on la fabrique

Il existe une croyance tenace selon laquelle progresser consiste à viser de meilleurs résultats. Une grande étude scientifique récente montre exactement l’inverse. En analysant des décennies de recherches en psychologie du sport, cette revue systématique et méta-analyse révèle que ce ne sont pas les objectifs de résultat qui élèvent la performance, mais la manière dont on structure ce que l’on fait au quotidien. Une conclusion qui concerne autant les sportifs que les entrepreneurs, les créatifs et tous ceux qui travaillent sérieusement à devenir meilleurs.

Les auteurs sont partis d’un constat simple : la fixation d’objectifs est omniprésente dans le sport, mais la recherche s’est surtout intéressée à ses effets sur la performance brute, en négligeant ce qui se passe simultanément dans la tête et le corps des athlètes.

Leur travail consiste donc à prendre de la hauteur : ils rassemblent et analysent de manière systématique les études existantes afin d’évaluer à la fois l’impact sur la performance et sur les dimensions psychologiques et psychophysiologiques.

Et leurs résultats sont sans ambiguïté :

  • les objectifs de processus écrasent les autres en termes d’efficacité.
  • Les objectifs de performance sont utiles mais nettement moins puissants, et
  • les objectifs de résultat ont un effet quasi nul.

Autres points clés révélés par cette étude :

  • la précision des objectifs n’est pas aussi décisive qu’on le croit souvent, et
  • les cadres théoriques fondés sur l’autorégulation produisent les gains de performance les plus élevés.

Dans les lignes qui suivent, nous allons analyser plus en détail ces trois points :

  1. l’efficacité des différents types d’objectifs,
  2. l’importance relative de la précision des objectifs, et
  3. l’autorégulation.

Puis nous nous poserons trois questions essentielles :

  1. Peut-on transposer ces résultats à d’autres domaines (travail créatif, entrepreneuriat, etc.), et si oui, comment ?
  2. Comment utiliser ces résultats pour s’améliorer ?
  3. Quels principes et actions concrètes en découlent ?

Et ce que ces résultats impliquent est souvent à l’opposé de ce que l’on met spontanément en place lorsque l’on veut progresser.

Impact sur la performance des différents types d’objectifs

Pour bien comprendre l’impact sur la performance que peuvent avoir les différents types d’objectifs cités par l’étude, il est primordial, avant toute chose, de comprendre ce que sont ces trois types d’objectifs.

Comprendre les trois types d’objectifs

Les objectifs de résultat

Les objectifs de résultat, vous les connaissez bien : gagner, être reconnu, publier, vendre, atteindre un classement, un chiffre, un statut.

Le problème n’est pas qu’ils soient illégitimes, c’est qu’ils reposent en grande partie sur ce que vous ne contrôlez pas : les autres, le contexte, le timing, le marché, l’humeur du public, parfois simplement la chance.

Ces objectifs donnent une direction vague, une sorte d’horizon, mais ils ne vous disent rien de ce que vous devez faire aujourd’hui à 7 h du matin quand l’envie n’est pas là.

Pire : plus vous vous y attachez, plus ils vous exposent à la frustration, à la comparaison et à une pression inutile.

Ils excitent l’ego, mais ils guident mal l’action.

Les objectifs de performance

Les objectifs de performance sont déjà un pas de plus vers la maturité. Ils parlent de vous, pas des autres : un temps, un score, un niveau mesurable, un indicateur clair.

Ils sont plus stables, plus justes, et souvent utiles pour évaluer une progression. Mais là encore, ils restent des points d’arrivée. Ils vous disent où vous voulez aller, pas comment vous y rendre.

Si toute votre attention reste fixée sur le chiffre final, vous risquez de négliger ce qui le produit réellement : la qualité de vos gestes, de vos décisions, de votre attention.

Les objectifs de processus

Les objectifs de processus, eux, changent radicalement la donne. Ils ne parlent pas de ce que vous obtiendrez, mais de ce que vous faites, ici et maintenant.

Ils portent sur ce qui est entièrement sous votre contrôle : vos routines, votre posture, votre manière de respirer, votre façon d’aborder une tâche, votre discipline, votre présence.

Ils transforment chaque séance, chaque journée, en terrain d’entraînement.

Ce sont les seuls objectifs que vous pouvez réussir tous les jours, indépendamment des résultats visibles. Et c’est précisément pour cela qu’ils structurent la progression sur le long terme.

Quand le processus est juste et répété avec attention, la performance finit par suivre — souvent sans que vous ayez besoin de la forcer.

Ordre de grandeur : plus efficace, oui, mais de combien ?

L’étude conclut que les objectifs de processus écrasent les autres en terme d’efficacité. Qu’est-ce que cela signifie au juste ? Si l’on reprend les chiffres :

  • Les objectifs de processus affichent une taille d’effet d’environ d = 1,36 sur la performance. C’est très élevé. On est bien au-delà de ce que la plupart des interventions psychologiques produisent.
  • Les objectifs de performance tournent autour de d = 0,44. C’est un effet réel, mais modéré. Utile, sans être transformateur.
  • Les objectifs de résultat sont à d = 0,09. Autrement dit : quasiment rien. Statistiquement proche du bruit.

Concrètement, ça veut dire que les objectifs de processus sont environ trois fois plus efficaces que les objectifs de performance, et plus de dix fois plus efficaces que les objectifs de résultat, lorsqu’il s’agit d’améliorer la performance sur une tâche.

Et ce n’est pas un artefact marginal : cette supériorité apparaît malgré l’hétérogénéité des sports, des âges, des niveaux, des contextes.

En clair : ce n’est pas « un peu mieux » — c’est un changement de catégorie.

Alors les objectifs de résultat ne servent à rien ?

Ces chiffres ne signifient pas qu’il faille abandonner les autres types d’objectifs pour ne se concentrer que sur les objectifs de processus. Les objectifs de résultat ont une utilité réelle — mais pas là où on les attend habituellement.

L’étude ne montre pas que les objectifs de résultat sont inutiles ; elle montre qu’ils sont faibles comme levier direct de performance. Leur rôle n’est pas d’améliorer l’exécution quotidienne, mais de donner une direction, un cadre symbolique, parfois une raison de s’engager. Ils permettent de répondre à la question du pourquoi, pas du comment. À ce titre, ils peuvent nourrir le sens, l’identité ou la projection à long terme, sans pour autant guider l’action concrète.

Le problème apparaît lorsque ces objectifs prennent le dessus. Lorsqu’ils deviennent le centre de l’attention, ils détournent l’énergie vers ce qui échappe au contrôle, renforcent la comparaison, et créent une pression qui nuit souvent à la qualité de l’exécution.

Utilisés comme Étoile polaire, ils sont utiles ; utilisés comme volant de pilotage quotidien, ils deviennent contre-productifs.

Autrement dit, les objectifs de résultat ont leur place — mais en arrière-plan. Ils donnent une direction générale, tandis que les objectifs de processus organisent le travail réel.

Utiliser les objectifs de performance comme un outil hybride

Les objectifs de performance occupent une position intermédiaire souvent mal comprise. Ils ne produisent pas la progression par eux-mêmes, mais ils jouent un rôle important dans le pilotage. Là où les objectifs de processus organisent l’action quotidienne, les objectifs de performance servent d’interfaces de lecture : ils permettent d’observer si les processus choisis produisent réellement les effets attendus.

Utilisés correctement, ils agissent comme des instruments de mesure, pas comme des moteurs. Un temps, un score, un taux, un indicateur n’ont pas vocation à diriger l’attention en permanence, mais à fournir un retour périodique sur la qualité de l’exécution. Ils transforment une impression floue en signal exploitable, sans dicter ce qu’il faut faire minute par minute.

Le risque apparaît lorsque ces objectifs hybrides sont utilisés comme des fins en soi. Dans ce cas, ils captent l’attention, rigidifient le comportement et recréent la pression propre aux objectifs de résultat. En revanche, lorsqu’ils sont relégués à un rôle d’évaluation ponctuelle — hebdomadaire, mensuelle ou par cycle — ils renforcent l’autorégulation. Ils permettent d’ajuster les processus sans remettre en cause la stabilité du cadre.

Autrement dit, les objectifs de performance ne doivent ni être idolâtrés, ni écartés. Ils servent à vérifier que le système fonctionne, pas à le remplacer. Placés au bon niveau, ils relient l’exécution quotidienne à la trajectoire, sans court-circuiter le travail réel.

Impact sur la performance de la précision des objectifs fixés

On répète depuis des années que « plus un objectif est précis, mieux c’est ». Cette étude nuance fortement cette idée.

Les données montrent que des objectifs très spécifiques et des objectifs plus ouverts produisent des gains de performance comparables. Autrement dit, la précision en elle-même n’est pas le facteur décisif.

Pourquoi ? Parce qu’un objectif précis peut être bon… ou stérile. Tout dépend de ce qu’il vise.

Un objectif ultra précis mais centré sur un résultat ou une performance finale peut rester rigide, anxiogène et peu aidant dans l’action.

À l’inverse, un objectif moins précis mais orienté vers le processus laisse de la place à l’exploration, à l’ajustement et à l’apprentissage, surtout chez les personnes en phase de progression.

Ce n’est donc pas la granularité qui fait la différence, mais la nature de ce que l’objectif attire dans l’attention.

On croit généralement que ce qui rend un objectif efficace, c’est son niveau de précision : plus il est détaillé, chiffré, découpé, plus il serait puissant. Or ce que montre cette étude, c’est que cette précision — la granularité — n’est pas le facteur décisif en soi.

Ce qui compte vraiment, c’est l’endroit où l’objectif dirige votre attention.

Un objectif très précis peut attirer l’attention vers un résultat final, un chiffre, une comparaison, une échéance. Dans ce cas, même s’il est bien formulé, il n’aide pas beaucoup à mieux agir ici et maintenant. Il peut même créer de la tension, de la rigidité ou une focalisation excessive sur ce qui échappe à votre contrôle.

À l’inverse, un objectif parfois moins précis, mais orienté vers le processus, attire l’attention vers l’action concrète : ce que vous faites, comment vous le faites, ce que vous ressentez, ce que vous pouvez ajuster. Il vous rend présent à l’exécution plutôt qu’obsédé par l’issue.

Impact sur la performance d’une approche fondée sur l’autorégulation

Quand l’étude dit que les approches basées sur l’autorégulation produisent les gains de performance les plus élevés, elle dit quelque chose de très concret : les systèmes qui fonctionnent le mieux sont ceux qui apprennent à l’individu à se piloter lui-même.

Un cadre d’autorégulation met l’accent sur quatre choses :

  1. définir une intention claire,
  2. agir,
  3. observer ce qui se passe réellement, puis
  4. ajuster.

Ce sont des boucles courtes de décision et de feedback. L’individu n’est plus dépendant d’un objectif figé ou d’une injonction externe ; il devient capable de corriger sa trajectoire en temps réel.

C’est exactement ce que montrent les tailles d’effet élevées observées dans ces études : quand on apprend aux gens à réguler leur attention, leur effort et leur stratégie — plutôt que de leur donner simplement un objectif à atteindre — la performance progresse davantage.

En résumé, ce que cette étude met en lumière, c’est ceci : un objectif précis sans capacité d’ajustement est fragile, tandis qu’un système d’autorégulation, même avec des objectifs plus ouverts, est robuste.

La performance durable ne vient pas d’un point d’arrivée clairement défini, mais de la capacité à se corriger en chemin.

C’est précisément l’approche de mon travail de coaching : ne pas vous diriger ni décider à votre place, mais poser avec vous le socle — mental, stratégique et opérationnel — qui vous permettra de tenir la barre, d’ajuster votre cap, et d’avancer avec lucidité, même quand les conditions changent.

Peut-on transposer ces résultats à d’autres domaines ?

Oui — dès lors que vous progressez par itérations, le véritable levier n’est jamais l’objectif final, mais la qualité du comportement que vous répétez.

En photographie, par exemple, un objectif de résultat comme « publier une série », « obtenir X likes » ou « exposer » reste fragile et largement hors de votre contrôle. Un objectif de performance — « réussir 30 % de photos nettes en basse lumière », « produire dix images fortes par mois » — est déjà plus utile, mais il intervient encore trop tard dans la chaîne. Ce qui fabrique réellement le niveau, ce sont les objectifs de processus : sortir chaque jour 30 minutes sur le terrain, une contrainte volontaire par session, un protocole clair de sélection et d’édition, une règle d’attention pendant la prise de vue.

En écriture, la logique est strictement la même. « Écrire un livre » peut motiver, mais ne guide rien au quotidien. « Écrire 1 000 mots par jour » permet de mesurer, mais reste partiel. Ce qui construit une pratique solide, ce sont les rituels, la méthode, les contraintes choisies, le système de relecture et de correction — autrement dit, l’organisation du travail réel : le système mis en place.

En entrepreneuriat enfin, l’objectif de résultat — « faire 10 000 € par mois » — stimule l’ego, mais ne crée aucun actif. Les indicateurs de performance — taux de conversion, MRR, croissance — permettent de piloter. Mais ce sont encore une fois les processus et systèmes qui produisent la valeur : la cadence d’offres, la qualité des conversations, la régularité des livrables, l’amélioration continue du produit, l’intégration du feedback. Là aussi, ce que vous répétez finit toujours par vous dépasser.

Un exemple concret pour bien comprendre

Prenons maintenant le cas d’un auteur qui souhaite écrire un livre, tout en ayant un travail à côté et peu de temps disponible.

Son objectif de résultat est clair : terminer et publier un livre. Il donne une direction, du sens, parfois même une identité — mais il reste lointain et abstrait. Pris seul, il peut devenir intimidant, voire paralysant.

Il peut alors se fixer un objectif de performance : écrire un certain nombre de mots par semaine ou produire un chapitre par mois. Ces indicateurs permettent de mesurer une avancée, mais ils n’indiquent pas encore comment intégrer l’écriture dans une vie déjà pleine.

Ce qui rend le projet viable, ce sont les objectifs de processus. Par exemple : consacrer trente minutes chaque jour à l’écriture, à heure fixe, sans interruption ; travailler sur un seul texte à la fois ; publier régulièrement sur son blog pour maintenir une cadence et une boucle de feedback courte ; accepter que certaines séances soient médiocres, tant que la routine est tenue.

L’objectif de résultat reste en arrière-plan comme un cap. Les objectifs de performance servent ponctuellement à vérifier que le rythme est soutenable. Mais la progression réelle se joue dans la fidélité à ces trente minutes quotidiennes. Ce n’est pas spectaculaire. Ce n’est pas intense. Mais c’est précisément ce qui permet au livre d’exister.

Cet exemple illustre exactement ce que montre l’étude : quand le temps est limité, viser un résultat ambitieux ne suffit pas. C’est la structuration du quotidien qui transforme une intention en œuvre — la pratique délibérée.

Eviter le piège du « faire de son mieux »

La seule condition pour que tout ceci fonctionne, c’est de ne pas transformer les objectifs de processus en mantra mou. Un objectif de processus n’est pas « faire de son mieux ». C’est un comportement précis, observable, répétable, assorti d’un retour clair sur ce qui a été fait. Sans cela, il n’y a ni pilotage, ni progression réelle.

C’est là que cette revue est particulièrement éclairante. Elle suggère que la performance augmente avant tout lorsque vous augmentez la part de ce que vous contrôlez et votre capacité à vous réguler, pas lorsque vous fantasmez un résultat ou une amélioration globale et floue. Les objectifs efficaces resserrent l’attention sur l’exécution, ils ne l’élargissent pas à des promesses vagues.

Utilisée de cette manière, cette approche est transférable à presque tous les domaines exigeants. Détournée pour justifier des discours généraux du type « cela va améliorer votre état psychologique » ou « vous rendre plus performant dans l’absolu », elle devient une sur-interprétation de l’étude. La valeur est dans la précision du comportement, pas dans l’ampleur de la promesse.

Si vous êtes coach, c’est précisément à cela que servent les repères que vous donnez à vos élèves. Non pas à les pousser, ni à les motiver, mais à orienter leur attention. Lorsqu’un repère est clair et précis, il permet à l’élève de s’auto-évaluer presque en temps réel. Il sait ce qu’il observe, ce qu’il ajuste, ce qu’il répète. Peu à peu, il devient responsable de sa propre boucle de feedback.

Votre rôle n’est alors ni de téléguider, ni de corriger chaque geste, encore moins de faire à sa place. Il est de maintenir un cadre suffisamment simple et stable pour que l’élève voie par lui-même quand il s’en écarte. Lorsqu’une dérive apparaît, vous n’ajoutez pas de pression : vous introduisez un nouveau repère, plus juste, qui remet l’attention au bon endroit.

Un bon coaching ne crée pas de dépendance. Il développe une autonomie calme. Vous n’êtes pas celui qui conduit, mais celui qui empêche la sortie de route. Une glissière sur l’autoroute du succès : discrète, présente sans s’imposer, qui sécurise la trajectoire sans jamais confondre guidage et contrôle.

Comment s’améliorer ?

La meilleure façon de vous améliorer n’est pas de viser plus haut, mais de mieux gérer ce que vous faites quand personne ne regarde.

Cette étude confirme quelque chose de fondamental : on progresse lorsque l’on déplace son focus de l’ambition vers l’exécution. Pas une exécution vague, pas une motivation passagère, mais une exécution structurée, contrôlable, répétée avec feedback.

L’amélioration durable repose sur un système simple : choisir quelques comportements clés, les rendre non négociables, observer leurs effets, puis ajuster. Rien d’héroïque. Rien de spectaculaire. Mais implacable.

Concrètement, cela implique d’abandonner l’illusion selon laquelle un objectif final vous rendra meilleur. Il ne fait que vous projeter. Ce qui vous transforme réellement, c’est une série de décisions modestes mais précises sur votre attention, votre geste, votre rythme, votre standard. Vous ne cherchez pas à « être meilleur » ; vous vous astreignez à mieux faire une chose clairement définie, aujourd’hui, puis demain, puis encore.

La progression réelle suit toujours la même logique : réduire ce que vous ne contrôlez pas, augmenter ce que vous maîtrisez, raccourcir la boucle entre action et retour, et répéter jusqu’à ce que le comportement devienne une part de votre identité.

Quand le processus est juste, le niveau monte presque malgré vous. Quand le processus est flou, même les objectifs les plus nobles ne produisent rien.

Apprendre à aimer l’ennui et la routine

Ce que montre cette étude, ce que montre la pratique, et ce que l’histoire des artisans, des artistes et des bâtisseurs confirme, c’est que l’excellence ne vient pas d’un moment d’inspiration, mais d’une fréquentation obstinée du banal.

La discipline, la répétition des gestes fondamentaux, la routine, l’entraînement de l’attention : tout ce qui n’est ni instagrammable ni monétisable rapidement est précisément ce qui fait la différence.

La référence aux 10 000 heures popularisées par Malcolm Gladwell n’est pas une injonction mystique au volume, mais une intuition juste : ce n’est pas le temps qui compte, c’est la qualité de la répétition. Dix mille heures de dispersion ne produisent rien ; mille heures d’attention réglée transforment une structure interne. Apprendre à aimer l’ennui, ce n’est pas se résigner, c’est apprendre à rester présent quand l’ego n’est plus stimulé. C’est là que la concentration s’approfondit, que le geste s’affine, que le bruit mental se tait.

Ce que beaucoup appellent “entrer dans la zone” n’est pas un état magique. C’est le résultat d’un environnement stable, de rituels constants, d’objectifs de processus clairs, et d’une attention qui cesse de se projeter.

Le flow apparaît quand le système est en place ; il ne se décrète pas.

La vérité inconfortable, c’est que ceux qui cherchent des raccourcis cherchent surtout à éviter cette rencontre avec eux-mêmes.

L’ennui, la lenteur, la répétition sont des filtres : ils éliminent les impatients, les superficiels, les dépendants à la nouveauté.

Ceux qui restent construisent quelque chose de rare. Et ce n’est pas sexy. C’est mieux que ça : c’est solide.

Tomber amoureux du chemin et pas de la destination

Tomber amoureux de la destination, c’est rester dépendant de ce qui n’est pas encore là. C’est conditionner votre engagement à une promesse future.

Tomber amoureux du chemin, c’est déplacer le désir vers ce qui est répété, imparfait, parfois ingrat, mais réel. C’est aimer la pratique avant d’aimer le résultat, l’effort avant la reconnaissance, la discipline avant la récompense.

Ce basculement change tout. Quand la destination commande, vous avancez par à-coups, porté par l’espoir ou freiné par le doute. Quand le chemin devient l’objet d’attachement, vous avancez régulièrement.

Vous n’avez plus besoin d’être motivé : vous êtes engagé.

Le travail cesse d’être un moyen, il devient une forme de vie.

C’est là que naît la véritable supériorité. Pas dans l’intensité ponctuelle, mais dans la fidélité quotidienne.

Ceux qui aiment le chemin finissent toujours par aller plus loin, parce qu’ils continuent quand les autres se lassent.

Quels principes et actions concrètes en découlent ?