Lorsqu’il avait une vingtaine d’années, Ralph Gibson était l’assistant de Dorothea Lange. Un jour, alors qu’elle regardait les photos de Gibson, Dorothea lui dit ceci : « Je vois que tu n’as pas de point de départ, Rafael. Si tu vas à la pharmacie, pour acheter du dentifrice, et que tu emportes ton appareil photo avec toi, il y a des chances qu’en chemin tu tombes sur un évènement valant la peine d’être photographié. Par contre, si tu déambules dans la rue, à attendre que quelque chose d’intéressant survienne, tu ne produiras jamais rien d’intéressant. » Cette conversation transforma complètement l’approche de Ralph Gibson : « Depuis ce jour-là, je n’ai jamais fait une seule photo sans avoir un point de départ. Chaque photo que je prends fait partie d’un tout plus large — elle correspond à une idée que j’explore. »
Dans la rue, c’est quelque chose que j’ai souvent remarqué. Si je sors prendre des photos, sans avoir de but, je ne prends que peu de photos. Si par contre je sors pour faire quelque chose de précis — aller voir un ami par exemple —, et que j’emporte mon appareil photo avec moi, il y a de fortes chances que je tombe sur quelque chose d’intéressant.
C’est d’ailleurs la raison pour laquelle je dis souvent que j’adapte la photographie à ma vie, et pas ma vie à la photographie. Avoir un point de départ m’aide à trouver des sujets à photographier — même si, comme dans mon exemple, ce point de départ n’a rien à voir avec la photographie.